Sidérurgie



Né à Metz en 1916, Camille Hilaire est un artiste français connu pour ses travaux dans la peinture, la lithographie, l’aquarelle, le vitrail (une vingtaine d’églises en Lorraine sont ornées de vitraux signés Hilaire) et la tapisserie. Son œuvre est éclectique, l'artiste représente des portraits, des nus, des paysages ou le monde ouvrier. Il peint des scènes de genre, des représentations de la vie quotidienne. Sa production picturale, abondante et diverse, démontre que Hilaire a participé pleinement à l'esthétique de son temps. A ce titre, il est un artiste qui marque de son empreinte la scène artistique diversifiée et complexe du XXe siècle.
Camille Hilaire débute son initiation artistique par la pratique du dessin, de la peinture sur nature, et la copie des gravures de Holbein et Dürer, peintres et graveurs allemands de la Renaissance. Le travail des premières années de Camille Hilaire est remarqué par Jean Giono et Nicolas Untersteller, futur directeur de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, qui l'accueille dans son atelier de peinture à Metz.  Il retient de cette formation une palette colorée claire et transparente. Peu après, Camille Hilaire est mobilisé et participe à la campagne de France en 1940, à l'issue de laquelle il est fait prisonnier. Il s'évade et rejoint Paris au début de l'année 1941. Condamné à la clandestinité, il s'inscrit sous un faux nom à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris durant les années noires de l'Occupation, tout en fréquentant également l'académie d'André Lhote. De son passage dans les ateliers d'André Lhote, il retient l'exigence et la rigueur, ainsi qu'un goût pour le cubisme, un dessin ferme mais dénué de toute raideur dans le trait. Il perfectionne sa formation artistique par la confrontation directe à l'antique lors de ses voyages en Italie.
La production de Camille Hilaire se détache des grands courants avant-gardistes de son temps pour léguer une œuvre franche et authentique dans laquelle la lumière et sa puissance irradiante contraignent les formes à céder à la couleur. Il obtient dans l'ensemble de son œuvre une admirable et constante sensation de calme, d'ampleur, de grandeur, ce qui ne l'empêche jamais d'exprimer une brûlante passion de création. Ses réalisations se situent alors aux confins du néo-cubisme où les formes se géométrisent. La forme se construit dans l'espace du tableau et bouleverse l'image, exhibant un déploiement grandiose et puissant. Il a su allier la poésie d’un travail sur la lumière et la rigueur de la technique doublé d’un sens de l’organisation de la toile.

A partir des années 1950, Camille Hilaire s'intéresse à la représentation du travail. Attiré par la modernité et le progrès qui touche le secteur de l'industrie, il réalise plusieurs œuvres monumentales. C'est dans ce contexte que Camille Hilaire reçoit la commande d'une immense toile devant décorer la salle du conseil d'administration de la SIDELOR. Dans les années 1960, elle sert de décor au self-service de la Société Métallurgique de Knutange. L’œuvre Sidérurgie dite Décor des grands bureaux de Florange subit de nombreux déménagements (au gré des fermetures de site) avant d’être placée dans les bureaux d'Arcelor Mittal puis donnée au Musée de l'Histoire du fer de Jarville-la-Malgrange par l'entreprise en 2016.


Cette fresque monumentale de 7,45 mètres de long sur 3,29 mètres de style néo-cubiste représente un ensemble schématique d'installations sidérurgiques que l'on peut aisément distinguer. Des poutrelles métalliques parcourent et structurent le haut du tableau alors qu'un haut fourneau se distingue en son centre.
                       

Sur la gauche, on distingue l'intérieur d'une aciérie en fonctionnement. La composition s'organise autour du feu sorti du convertisseur Thomas et de la matière en fusion qui donne au tableau une flamboyance de couleurs. 
                                                           

L’œuvre exhibe un déploiement grandiose et puissant de formes dépouillées de tout élément anecdotique et émotif. Les sidérurgistes au travail se confondent dans les lignes et les volumes de la toile.



Le protagoniste, au premier plan devant une poche de fonte en fusion, interpelle par son corps musculeux et anguleux, se dressant souverainement, héroïquement devant le décor de cette aciérie rougeoyante.
                                                                      

Les éléments constitutifs de l’œuvre se juxtaposent, frontalement, sans recherche de perspective, et sont intimement liés par un contraste de couleur (les teintes chaudes pour la représentation de la fonte en fusion et les teintes froides pour le métal) qui dégage les formes et les distingue. Ce grand décor mural rend compte d'une représentation de la figure de l’ouvrier sidérurgiste idéalisée et fantasmée. Elle est un espace pictural qui n'est pas une imitation du réel. Sans aucune volonté de réalisme documentaire, Camille Hilaire réalise un élément purement décoratif sur commande de l'entreprise SIDELOR, une œuvre pensée, bien qu'idéalisée.

La rigueur de cette composition s'harmonise complètement avec le rayonnement de la lumière et la liberté des teintes. Le peintre fait la promotion d'une iconographie renouvelée, expression et témoignage d'un profond bouleversement dans la représentation du travail dans l'art. Le thème n'est pas inédit dans l’œuvre de Camille Hilaire, ce dernier avait réalisé le décor de la salle des fêtes de la société des Fonderies de Pont-à-Mousson. L’œuvre, présentée en 1957, est fragmentée de diverses scènes qui présentent une tâche particulière du travail en aciérie.


Restauration de la fresque en vidéo


Bibliographie (texte remanié de) :
Christophe BERTEAUX, Gabriel DISS, Marie GLOC. Hilaire, du trait à la lumière. Cat. expo., Vic-sur-Seille, Musée départemental George de La Tour (22 mai-26 septembre 2010). Vaux, Serge Domini Editeur, 2010, 104 p.