Vues de Longwy


Alfred Renaudin nait en 1866 dans les Vosges, près de Raon-l’Etape. Après la guerre de 1870, sa famille migre près de Lunéville. C’est dans cette ville qu’il débute sa formation d’apprentissage dans l’entreprise de céramique Keller et Guérin et intègre parallèlement les cours du soir de l’école des Beaux-Arts de Nancy. Il poursuit ensuite ses études dans l’atelier du peintre paysagiste Henri Harpignies à Paris. A partir de 1892, il partage ses activités entre de nombreux voyages (Afrique, Egypte, Pays-Bas, Espagne, Italie, Angleterre, Ecosse) et des retours à Paris pendant lesquels il reçoit des récompenses : mention honorable au Salon de Paris de 1896 pour un paysage de la Mortagne, troisième médaille d’or au Salon de Paris de 1899, classement Hors Concours au Salon des artistes français de Paris en 1908, etc.
Pendant la Première Guerre mondiale, il quitte la Lorraine avec sa famille pour l’Auvergne, à Fontannes. De retour en Lorraine à la fin du conflit, il réalise un nombre important de tableaux figurant les ruines de Gerbéviller et de Verdun. En 1931, il expose quatre toiles au Salon de Nancy : « Toul », « Trois coins de Gondreville », « Paysage de Coulommiers » et « Nénuphars sur le canal du parc ». Il jouit désormais d’une respectable renommée tant en France qu’à l’international et reçoit à ce titre de nombreuses commandes. En 1934, il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur pour l’ensemble de son œuvre représentant sa terre natale mais aussi les régions qu’il a fréquentées et les pays qu’il a visités. Ses thèmes de prédilection sont les forêts verdoyantes, les villages, Paris, les lieux défigurés par la Grande Guerre comme Verdun.
Aussi, les sujets montrant l’industrie sont rares dans sa production, comme la toile « Vue de Longwy » qu’il expose au Salon d’automne de 1938 dans le cadre de l’exposition « Lorraine-Luxembourg ».
Quatre toiles réalisées au début des années 1930 et représentant les aciéries du bassin de Longwy sont conservées dans les collections du Féru des sciences. Installé sur les collines alentours, plus ou moins éloigné des panoramas, le peintre propose quatre perspectives différentes où l’activité industrielle de l’acier, marquée par les hauts fourneaux, les terrils et cheminées d’où s’échappent des fumées rousses, blanches et grises, côtoie maisons, églises, immeubles et autres bâtiments prestigieux des villes et villages environnants. La nature, toujours présente, encadre les sites industriels et d’occupation humaine que viennent coiffer des ciels brumeux et des perspectives atmosphériques d’arrière-plan.


Usines de Longwy, 1987.9.2
Le tableau représente la vallée de la Chiers et le site de la Société des aciéries de Longwy à Mont-Saint-Martin-Longlaville : au fond, l’usine où on distingue un haut fourneau (à gauche), les multiples cheminées, les bâtiments annexes avec les toitures en shed (en avant-plan). Deux colonnes de fumées rousses et ocres colorent le ciel saturé de la grisaille des nuages. Au premier plan, se dessine la ville de Mont-Saint-Martin avec le clocher de l’église en contre-bas, et à droite, les bâtiments des thermes construits en 1914. La découverte d’une source aux vertus prometteuses fût à l’origine de la construction d’un établissement de soins et d’un parc (sur la gauche). Interrompue pendant la Première Guerre mondiale, l’exploitation de la source thermale fût reprise à la fin du conflit puis définitivement arrêtée au début des années 1920.


Usines de Longwy, 1987.9.1
Une autre perspective, plus rapprochée de l’usine de Longwy à Mont-Saint-Martin-Longlaville permet de percevoir quelques éléments d’infrastructures caractéristiques, comme la voie de chemin de fer (acheminement du minerai), les grands bâtiments aux toitures en dôme (concassage et traitement du minerai). A gauche, les longues rangées de maisons ouvrières mitoyennes, puis devant, celles cossues des contremaîtres et ingénieurs que précède une église et son clocher, localisent la cité de Gouraincourt. La rousseur de la colonne de fumée répond aux couleurs d’automne des feuilles des arbres au premier plan.


Usines de Longwy, 1988.1.1
La toile représente une partie de la ville de Longwy en contrebas. On distingue des personnages évoluant sur une artère principale (sur la gauche). Cette dernière donne accès au site de l’usine sidérurgique de Senelle-Maubeuge en arrière-plan. Les colonnes de fumée, denses, témoignent d’une activité intense. Elles se mêlent aux nuages dans le ciel, que le soleil tente en vain de percer. Leurs retombées sur l’usine empêchent d’en préciser les contours. A droite, sur le haut terril des laitiers, installé en 1929, on aperçoit le téléphérique destiné à leur évacuation. L’activité humaine industrielle et urbaine, prise dans une atmosphère grisâtre et ouateuse s’inscrit en opposition avec les éléments naturels, aux tracés nets et colorés du premier plan.


Usines de Longwy, 1989.5.1
La toile donne à voir une représentation globale des aciéries du bassin de Longwy avec la ville « capitale », Longwy haut à droite et Longwy bas à gauche. Au fond, dans la vallée, seules les colonnes de fumée blanche permettent de localiser l’emplacement des nombreux sites industriels sidérurgiques. Le peintre a choisi la nature comme élément dominant la perspective atmosphérique, encadrée au premier plan par deux arbres majestueux.

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Mis à l’épreuve lors de la Seconde Guerre mondiale, la destruction de son atelier lorrain et l’incendie de ses collections réfugiées en Auvergne n’entament pas la détermination d'Alfred Renaudin à se remettre au travail. Seule la mort interrompt cette belle énergie le 7 novembre 1944. Alfred Renaudin fait partie des meilleurs peintres paysagistes de son temps.

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Sandrine Derson, 2024.